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L’Ondaine du fer et du charbon.


Sous ce titre s'ouvre  une série de trois chapitres (n° 5, 6 et 7) retraçant la croissance des villes
 sous l'effet de l'industrialisation :
-  logiques industrielles d'implantation des activités et de leur action sur l'organisation de l'espace local
- développement des habitats nouveaux
- les actions publiques d'aménagement des villes avant les grandes opérations d'urbanisme de la deuxième moitié du 20ème siècle.

Sera donc décrite et expliquée la formation d'une partie importante des  paysages urbains  actuels, antérieurs à la phase plus récente des grands ensembles et des extensions pavillonnaires.
 

A - La conquête industrielle.

  

      Plusieurs avantages attirèrent dans la vallée de l’Ondaine des entrepreneurs en métallurgie, tels que Jackson à Trablaine, les Holtzer dans la vallée du Cotatay et à Unieux, Félix Verdié à Firminy, Claudinon au Chambon-Feugerolles, prélude à l’essor des grandes usines dans la deuxième moitié du XIXème siècle. Moins encombrée que celle du Furan stéphanois, la vallée offrait des sites disponibles au voisinage de la rivière, dont l’eau était recherchée pour la force hydraulique et pour la trempe du métal. Les mines procuraient le charbon en qualités variées et à des coûts avantageux.


Les usines


      Les industriels déployèrent leurs usines à l'écart des anciens bourgs et villages, sur les plaines alluviales, au voisinage de l’eau, des routes, puis du rail, amené à Firminy dès 1859 et vers la Haute-Loire à partir de 1864. Holtzer à Unieux dès 1829, Verdié à Firminy en 1850, Claudinon au Chambon-Feugerolles en 1852, s’installèrent près de l’Ondaine, dont ils utilisaient les eaux dérivées par des biefs. Fourneyron, l’inventeur de la turbine hydraulique, fixa son usine à l’écart, au débouché du Valchérie. En prospérant, ces usines étendirent leurs ateliers et leurs installations aux alentours de leur site initial.
  Quand il le fallait,  l'industriel ne se privait pas de couvrir la rivière pour gagner du terrain : tel fut au Chambon-Feugerolles le cas de l'Ondaine, dont l'entreprise Claudinon fit disparaître le lit  sous une voûte de plus de cinq cents mètres de long. 
       (C'est seulement en 2009 que des travaux de grande ampleur ont détruit cette voûte et rétabli le parcours à l'air libre de l'Ondaine).   

 
      On ne se souciait guère alors d’un urbanisme organisant à la fois l’habitat et la multiplication des ateliers. Si des grappes d’habitations se fixaient à proximité des usines, cela pouvait être à l’initiative de directions voulant fixer une partie de leur personnel au plus près du lieu de travail. Ce fut le cas au Chambon-Feugerolles en face de l’usine Claudinon, ou à Unieux qui vit croître le nouveau quartier du Vigneron, étiré le long de la route près de l’usine Holtzer (l’entreprise fit en sorte que le bureau de poste créé dans la commune en 1886 fût situé, non dans l’ancien bourg près de la Mairie, mais à côté d’elle dans ce nouveau quartier).
 

       Nombreuses sont les images, gravures, cartes postales ou photos, montrant ce que furent les paysages industriels créés à partir du milieu du siècle par ces puissantes industries métallurgiques, avec des forêts de cheminées, des "crassiers" de scories et de mâchefers, des embranchements et des réseaux internes de rails. Les panaches de fumées, complaisamment représentés, symbolisaient alors une modernité dynamique. Nettoyées, réhabilitéés, agrémentées même d'espaces verts, les quelques installations encore utilisées de nos jours sont loin de rappeler l’environnement de bruits, de suie, de poussière, de boue, observé par Zola en 1900 pour son roman "Travail". Les crassiers de mâchefer eux-mêmes, comme celui de l’ancien haut-fourneau de Firminy, accumulé sur un replat dominant la place de l’abattoir, sont aujourd'hui masqués par la végétation.




  Vue partielle du site Holtzer à Unieux :

années cinquante  et aujourd'hui (ce dernier cliché : R.Commère ; nouveaux immeubles, cheminées abattues, sauf une à gauche qui sert de décor et de paratonnerre)

















Les mines.


       Autour des chevalements des puits d'extraction, localisés selon la géologie du charbon, les hangars des recettes, les rails, les parcs à bois, les dynamitières, constituèrent le paysage caractéristique des pays noirs. Si la plupart de ces installations ont aujourd’hui disparu, il n’en va pas de même des crassiers, dont certains sont discrets et masquée par leur reconquête végétale, tandis que d’autres, particulièrement au Chambon et à La Ricamarie, conservent une place imposante dans le paysage, même s’ils ont fait l’objet d’une réutilisation comme celui du Géant Casino.


      Les compagnies minières organisaient l’espace selon leurs intérêts. C’est ainsi que celle de Firminy-Roche la Molière, avant l’arrivée du chemin de fer, aménagea et utilisa de 1820 à 1835 un site d’embarquement du charbon à La Noierie, au confluent de la Loire et de l’Ondaine. Elle réalisa en 1842, pour élargir ses débouchés et faciliter l’acheminement des arbres nécessaires à ses boisages, le premier pont du Pertuiset, dont elle exploita le péage jusqu’en 1880. Dans sa description de 1856, Th. Ogier nous rappelle qu’à Firminy, la Compagnie des mines a installé son siège au château La Tour (ancienne gentilhommière, démolie en 1984 pour faire place à une aire de stationnement à côté du Centre social et culturel), et que son Hospice tout proche, desservi par les soeurs de Saint-Joseph, "est convenablement placé, l’air y circule librement, et le soleil y pénètre avec facilité" (ce site a disparu avec l’autoroute). Non loin de là, en 1893, les habitants redoutent l’éboulement d’un crassier "qui brûle en permanence" près du puits Lachaux, répandant une odeur incommodante.


      Quant à la Compagnie des mines de la Loire (à laquelle succéda en 1854 la Compagnie de Montrambert-La Béraudière, qui devint la plus riche des compagnies minières du département), elle créa dès 1848 au Montcel, sur un site perché au-dessus des fumées, la Maison des Mineurs, où des soeurs de Saint Vincent de Paul et un médecin disposaient d’une douzaine de lits pour soigner les mineurs blessés au travail. Cet hôpital fut agrandi en 1874. Les soeurs ouvrirent aussi des écoles pour garçons et filles, et une salle d’asile. La Ricamarie devint la ville d’un paternalisme autoritaire, au pouvoir d’une "trinité" composée (après le création de la commune en 1843) du Maire, du Directeur des mines et du Curé.

        La Compagnie imposa son point de vue pour l’emplacement de la gare de La Ricamarie, plus proche des puits de Montrambert que du centre communal.


       En outre, par la multiplication des acquisitions foncières, les mines se garantissaient contre l’obligation d’indemniser les propriétaires en cas de dégradations en surface ; se constituait ainsi un capital immobilier qui allait échapper durablement à l’emprise urbaine (par exemple, des "délaissés" encore visibles en l’an 2000 dans le secteur de Pontcharra relevaient de cette logique).


      C’est dans la partie amont de la vallée, celle de la Compagnie de Montrambert-La Béraudière, que l'occupation minière a été la plus dense. A La Ricamarie et au Chambon-Feugerolles, plusieurs puits furent encore forés et équipés au vingtième siècle : puits Flottard et du Marais en 1903, puits Isaac en 1929, ancien puits Pigeot en 1933, celui des Combes en 1935. Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, les emprises et le paysage miniers dominaient dans la partie nord de La Ricamarie, à l’est et à l’ouest du Chambon-Feugerolles, alors qu’ils avaient à peu près disparu dans la partie aval.


      Dans Firminy, en effet, l'épuisement du charbon fit cesser l'exploitation dès 1920, la Compagnie des mines de Firminy-Roche la Molière concentrant son activité dans la partie ouest du Chambon-Feugerolles où elle renforça les infrastructures productives des puits de Monterrad (foncé dès 1840, approfondi en 1921), de la Malafolie, de Malval. A La Malafolie, elle établit au bord de la route nationale son bureau de division (les bâtiments de 1895, agrandis en 1910, ont été quelques temps utilisés à des fins socio-culturelles et sont encours de réhabilitation) ; elle construisit à la demande du gouvernement la centrale électrique de Saint Thomas (achevée en 1922, fermée en 1958 et démolie depuis), et réalisa dans les années trente un dispensaire et un centre familial.

     Son administration centrale, quittant le château La Tour vendu aux Aciéries, se fixa au "château de la Direction des mines", un prestigieux bâtiment néo-classique construit à Firminy en 1921 à côté de l’église du Mas (photo ci-jointe : on l’appela couramment le "Bureau des Mines". Il a été fâcheusement rasé en 1982, pour faire place à un banal magasin).



La maîtrise de l'eau
      

N’oublions pas enfin de mentionner, à l’amont des ravins dévalant vers l’Ondaine, la construction des barrages, principalement destinés à soutenir les étiages pour mieux répondre aux besoins en eau des industries, mais aussi à réduire les risques d’inondation : sur l’Echapre en 1897, sur l’Ondenon en 1903, sur le Cotatay en 1904. Ces barrages eurent un effet indirect sur l’évolution des paysages de la vallée, en particulier dans la plaine d’Uneiux, où des espaces jusque là inoccupés ou voués à un utilisation extensive en raison des risques d’inondation purent être désormais cultivés, voire bâtis.


Les dernières grandes infrastructures industrielles.


       Du fait que les mines et les aciéries généraient un important trafic de marchandises, et que Firminy était devenu un carrefour ferroviaire avec des lignes vers Dunières et vers la plaine du Forez, une vaste gare de triage fut aménagée sur remblais entre Firminy et Fraisses en 1924 (Firminy y réalise en 2000 des terrains de sports et une salle de spectacles).


      En 1941 fut achevée à La Ricamarie la reconstruction, commencée en 1937, de l'imposant et moderne chevalement en béton du Puits Pigeot, ultime monument de l'extraction minière jusqu’à sa cessation définitive d’activité en 1983, et à sa démolition en 1989. Une bande transporteuse le relia au puits de Combes dont il traitait les charbons.


     Après les nationalisations de 1946, de part et d’autre du Chambon-Feugerolles, furent construites par les Charbonnages de France la centrale thermique du Bec (mise en service en 1950), destinée à rentabiliser des charbons invendables, et la cokerie de la Silardière (1952). Leurs silhouettes massives vinrent compléter la panoplie des grandes usines de l’Ondaine. Leurs hautes cheminées, leurs fumées, leurs odeurs, leurs poussières (par vent d’ouest, on avait à s’en plaindre jusque dans Saint-Etienne) eurent pour effet de conforter, pour qui passait à côté d’elles en train ou sur l’autoroute, l’image d’une vallée noire, sinistre et invivable. Il y eut à plusieurs reprises des protestations contre des reportages hâtifs dont les auteurs n’avaient retenu que ces symboles d’une industrie salissante. La cokerie a été démolie en 1976, la centrale du Bec en 1986.

 

     Avec la fermeture des mines et la désindustrialisation dans la métallurgie, la plupart des bâtiments et infrastructures d’hier ont donc été voués à disparaître. L’arrivée du gaz de Lacq (1962) et l’utilisation croissante de l’électricité dans la métallurgie ont fait oublier les fumées. Les cheminées ont été abattues. Plus durables ont été les habitats hérités de la politique sociale des industriels.

 
              On trouvera des images dans les divers articles de ce blog sur le Val d'Ondaine, notamment : 
- 30 mai 2008 : La Ricamarie et le Chambon-Feugerolles, friches reconverties
- les quatre articles sur "La Ricamarie, le patrimoine minier" (du 4 au 13 juin 2008)
- les deux articles sur "Ondaine, opérations table rase"  (les 2 et 4 juiller 2008)
- l'article sur "Le Chambon-Feugerolles, le site Crozet-Fourneyron" (7 juillet 2008).
- Au Chambon-Feugerolles, "la Cité du Bec sans la centrale thermique" ( 18 mars 2009

A suivre - prochain chapitre sur l'habitat en rapport avec la conquête industrielle.

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