En ce temps-là, il existait un journal très local : le Républicain du Mas. On y écrivait comme on parlait.
Le Mas était un quartier de Firminy : surtout des ouvriers et des mineurs. Il est difficile de s'en faire une idée aujourd'hui, car on a beaucoup démoli après 1960 pour
faire disparaître un habitat vétuste et insalubre.
L'immense rond-point dégagé à proximité du pont enjambant la voie ferrée a été en son temps un manifeste d'urbanisme ; on voulait signifier qu'à la place d'un
entassement désordonné de bicoques, la ville se donnait un espace de respiration, verdoyant et fleuri, encadré d'architectures modernes. c'était comme le pendant de Firminy-Vert.
Le texte qui suit, daté de mars 1933, montre qu'il y avait quand même de la bonne humeur dans ce qu'on a appelé le "rue sans joie", et qui était l'épine dorsale
de la vallée, de La Ricamarie à Firminy...
C'est une jeune femme qui raconte ses impressions d'une fête..
"Ouiah, Marie ! T'as vu comme y zont bien arrangé ? Arregarde si y en a, des guirlandes ! Mais c'est les zampiats (= lanternes) qu'elles sont les mieux
jolie. Et les soirs, quante ça allume de partout, ça te fout les ébariaules.
T'as vu, jeudi, toutes ces déguizes ? C'était rien que des matrus (= des garçons) ; y zétaient franc jolis ; y en avait point qui s'étaient déguisés
en sales. Si y avait eu des fougas ( = feux de joie), t'aurais franc dit le carnaval !
Et la calvarcade, le soir ! Ouah, yah ! pauvre petite, que du monde ! Franc comme pour la vogue ! Ah Yah ! Qu'on a rigolé !
Y avait des masques qu'avaient des têtes comme des cempotes ( = barriques) ! Beauseigne ! Y devaient être tout mouillés de chaud ! Heureusement
qu'on a dû leur payer un brave canon !
Quand même, ceux du Mas, y sont pas les mieux bêtes ; c'est eusses qui ont quasi le mieux rangé. Y se sont bien dégrouillés.
Je suis montée à Firminy, l'autre jour, pour voir la tombola. Ouah, Yah, pauvre petite ! Que des affaires ! c'était caffi de monde, là oùs qu'y sont, les lots
; y a un commissaire qui soigne le monde pour qu'y se dégrouille de passer, et y a une chanforgne ( = musique, peut-être un orgue de barbarie) qu'elle joue tout le
temps.
Y font gagner une auto ! Mais je la voudrais pas : des fois que mon homme y saurait pas faire...et y nous ferait faire la corbicine dans un raza ( = chute
dans un fossé).
Y a une chambre, qu'elle est franc jolie. Le lit il est pas bien haut, mais ça fait que si tu barules en te gibatant, tu risques pas de t'égrointer
(inutile de traduire ! c'est pittoresque et facile à interpréter ).
Y font gagner aussi un caillon ( = un cochon) ; si je le gagne, je te donnerai une fricaude.
Y a une cempote, qu'elle est pleine de vin... Mon homme, y dit que c'est ce qui y a de mieux joli.
Y en a, des affaires de toutes sortes ! J'arrêtais pas d'apincher ( = de regarder). Y a un fourneau que, si tu le gagnais, t'aurais pas fini de t'y hausser...Ya
de tout, jusqu'à des petites bricoles. Cest caffi de litres. Je peux pas tout te dire, t'auras qu'à y monter, ça coûte rien pour rentrer.
Y a pas à dire, y faut qu'y-z-en sachent de long, ceusses qu'on monté ça !.
Faut pas dire, c'est bien arrangé à Firminy...Mais pas tant que vers le Mas. Y paraît qu'au Mas, y zont fait une République qu'elle sera commandée par un roi...mais c'est
à pour rire ! et puis y-zont fait venir les pompiers des autrefois !
Si mon défunt père y revenait, y voudrait pas le croire.
Mon homme, il a dit qu'on prendra une bonne cuite....Je m'en sauve pour tremper ma soupe. J't'en raconterai mieux une autre fois. Allez !"
A lire assez lentement, à voix haute et un peu pointue...
Et rendez-vous en septembre. Bonnes vacances !
R.C.